samedi 25 août 2007

UN NOUVEAU DEPART

LES INDICATEURS D’UN NOUVEAU DEPART
DANS LA VIE

Maurice MONDENGO, Jr.



Je voudrais vous proposer une petite réflexion dont les implications sont remarquablement pertinentes et les leçons à tirer profondément significatives. C’est l’histoire très ancienne que la Bible relate sur celui qu’on a appelé dans les évangiles sous la qualification de « l’enfant prodigue ». Dans cette parabole, Jésus dans Lc 15, 11-32 voulait donner beaucoup d’enseignements au sien comme celui qui va devoir retenir notre attention sur ces pages portant sur le nouveau départ qui s’impose à nous dans la vie de chacun comme dans l’âme de notre nation toute entière.

Comme on peut se rendre compte, aisément, le personnage principal de cette parabole est le deuxième fils d’un homme riche de son temps et dans son milieu, dont la ferme et les champs produisaient des récoltes si abondants et nécessitaient de ce fait une forte main d’œuvre des ouvriers et même de mercenaires ou mieux de milices qui devraient veiller sur ses avoirs et sur sa famille qu’un jour, peut être eu égard à l’âge avancé de son père et l’insécurité que lui entourait son unique frère aîné, il dira à son père de lui donner la part qui lui revenait et partit sous d’autres cieux où il avait tout investi dans le gaspillage, la débauche et la médiocrité.
Du sommet de sa prospérité fragile car sans lendemain, il tomba jusqu’au plus bas niveau de vie acceptable et traversa la frontière même du minimum acceptable de la vie d’un pauvre respectueux pour partager sa vie et son pain quotidien avec les porcs.

Pensons à ce jeune homme. S’il était au milieu de nous aujourd’hui, il serait traité de tous les maux dans notre société parce qu’au lieu et place de rester près de son père et travailler pour sa famille, il a choisi plutôt de diminuer les avoirs et même la valeur de l’héritage qui devrait revenir à la famille entière. Il serait traité de gaspilleur voire de pillard de la puissance économique de la famille. Il serait traité de traître, d’insensé voire d’irresponsable à vie. Personne ne l’accepterait parmi nous aujourd’hui ; il n’aura pour réponse à ses requêtes que l’amertume et le sabotage haineux de notre part pour des raisons multiples et mêmes insoupçonnées. Et d’autres diraient même que cet enfant était sorcier car il avait voulu précipiter la mort de son père pour accéder à ses droits.

Jésus n’a pas parlé de cette histoire d’enfant prodigue seulement parce qu’il était gaspilleur de l’héritage de son père. Jésus ne l’a jamais critiqué ni prononcé un quelconque jugement à son endroit. Il en a souligné l’attitude de ce jeune homme qui dans son tort et son égarement a offert aux hommes et aux femmes de l’humanité entière une démarche à faire chaque fois que la route qu’on a pris consciemment et raisonnablement devient obscure à l’horizon lointain.
Il faut (toujours) s’arrêter après une longue marche de la vie et dans la vie - fut-elle politique, sociale, économique, idéologique et même religieuse- et rentrer en- nous- même pour faire un jugement de valeur en toute conscience positive de ce qui a été fait par rapport à ce qui devrait être fait dans notre marche. C’est ici que le choix d’un nouveau départ s’impose. Nous avons tous besoin d’un nouveau départ dans notre vie individuelle et dans notre vie collective.

Individuellement, chacun de nous s’est vu jouer sur la scène de la vie le rôle de l’enfant prodigue dans sa relation avec Dieu, et dans sa relation d’homme à homme avec ses semblables voire avec la création entière sans trop vouloir s’arrêter et s’imposer, après évaluation de ses rapports humains et d’avec ceux dits écologiques, un nouveau départ dans la philosophie de l’être- avec pour un monde où il fait beau vivre. Nos rapports, malheureusement, sont au plus bas niveau acceptable des Imago dei et font que nous vivions dans nos rapports, pour beaucoup, comme vivant, à degré différent, avec et au milieu des porcs au niveau de notre penser et de notre agir.

Dans beaucoup, tout semble donner que politiquement, socialement, économiquement, idéologiquement, même religieusement aujourd’hui tout se réfléchit d’abord et après tout par rapport au ventre de celles et ceux qui ont des responsabilités de parler au lieu et place des autres, celles et ceux qui ont la gestion des entreprises où travaillent leurs compatriotes. Quand bien même que cela soit prouvé dans les Ecritures que le manger et le boire sont indispensables à la vie, cette vie devrait en principe inclure plutôt qu’exclure celle des autres compatriotes.

Collectivement comme Congolais, nous avons été aussi des enfants prodigues vis à vis de notre Dieu. C’est comme qui dirait que nous avions, de manière délibérée, demandé à notre Père céleste de laisser à nous seuls la gestion de ce grand et beau pays avec toute sa richesse en forêt, en eau, en matières précieuses, en peuples, en ethnies, en langues et dialectes, en cultures, en frontières avec près de dix pays voisins… sans avoir de compte à rendre ni à Dieu ni à personne.

Nous sommes allés trop loin dans notre imaginaire d’être grand au cœur de l’Afrique sans Dieu sans maître n’ayant de compte à ne rendre à personne ni même à notre propre conscience. Nous sommes allés trop loin tête baissée dans le mal pour faire du mal à nous mêmes, à nos femmes à nos enfants, aux veuves et aux orphelins que nous avons fabriqué et continuons à fabriquer à partir de l’industrie de notre cœur envieux du pouvoir et de l’argent et cela au prix du sang versé de femmes et des enfants innocents sur la terre que Dieu leur avait aussi donné par nos ancêtres et même le sang versé sur la terre de refuge. Ces personnes mortes qui resteront vivants dans nos cœurs n’avaient malheureusement pour arme de défense que leur cri de détresse en plein jour aux oreilles sourdes de gens avec les cœurs animés de la soif de paraître comme les forts de notre temps dans notre pays. Nous sommes allés trop loin comme cet enfant prodigue gaspillant dans la débauche de la corruption, du détournement, et la contrefaction la richesse que le père nous a donné à nous tous comme congolais sans exclusion aucune. Nous sommes allés trop loin comme cet enfant prodigue jusqu’à en trouver normal et agréable de vivre près des porcs et respirer les odeurs de la saleté. Nous avons fait de notre environnement ce qu’il est devenu sans nous préoccuper de l’avenir de nos enfants et de nous mêmes.
Il est impérieux que nous puissions faire comme cet enfant prodigue : rentrer en nous même et nous imposer un nouveau départ.

Un nouveau départ pour notre vie individuelle, collective, comme Eglise, comme nation est « un beau risque à courir » pour reprendre la pensée de Platon. Mais on ne peut s’y engager sans connaître ce qu’a été l’ancien départ dans notre vie. Appelons donc à notre secours de mémoire « l’analyse rétrospective de ce qu’a été notre vie individuelle, collective et cela dans l’ensemble de notre société, communauté, nation.

Le nouveau départ que nous appelons de tous nos vœux dans cette réflexion ne peut s’observer dans notre vie individuelle et collective que grâce à un certain nombre d’indicateurs. Et ces indicateurs que nous avons pu rassembler pour cette réflexion sont les suivants :

1. Le retour obligé au point de départ après une rétrospection

Le retour obligé au point de départ est très important pour quiconque veut s’imposer un nouveau départ dans sa vie, dans son agir.
On se pose la question où suis-je ? Que fais-je ? Qu’est-ce qui fait que je me trouve dans cette situation ? Où sommes-nous ? Que faisons-nous ? Qu’est-ce qui fait que nous nous trouvions dans cette situation ?
L’idéal ici, c’est de n’accuser personne. Mais on se fait humble pour s’accuser d’abord et ensuite soi-même en face de sa propre conscience. On veut se voir et se dire soi-même responsable de son échec.

On se dit humblement : « Je ne puis nier que j’existe,… et c’est quelque chose que je suis rencontre dans son existence, dans sa quête d’épanouissement, des obstacles, des résistances qui le font souffrir et qui, à la limite, peuvent lui ôter l’existence » E. HURSSEL.
Ceci veut dire, un nouveau départ exige que l’on prenne conscience de son existence, même si les obstacles, les résistances nous avaient presque écrasées. C’est vrai mais nous ne sommes pas morts. Nous vivons encore. Nous pouvons encore espérer et compter sur Dieu.
Pourquoi un retour au point de départ ? C’est pour se replier sur soi-même, faire table rase de toutes les erreurs du passé répertoriées et analysées, répartir à zéro avec Christ qui est le repère de notre point de départ.

Hélas ! Beaucoup d’entre nous avons laissé Christ là où nous l’avions rencontré le jour de notre conversion, d’autres encore pensent que Christ peut être transporté, car ne pouvant marcher de lui-même. Le jour où l’on veut aller avec lui, on le prend, sinon on le laisse, d’autres encore pensent que Christ ne peut parler comme pour conseiller, éclairer. Leur Christ est muet, aveugle voire sourd, heureusement, ce n’est pas le cas avec notre Christ du vrai Dieu. Peu seulement marchent avec Christ comme leur ami fidèle. Ils discutent avec lui de tout ce qui concerne leurs vies, leurs affaires, leurs projets, leurs difficultés, etc. Ils Lui demandent conseil : « Christ, qu’est-ce qu’il faut faire ici ? ». Et ils sont attentifs aux orientations du Christ car c’est lui qui a été, qui est et qui sera. Ils trouvent la raison d’être de leur vie en Christ seul, et ils ne comptent que sur Lui seul. Ils ne prennent pas les chemins de ce monde qui ne mènent nulle part. Ils ont leur chemin : Jésus Christ. Le chemin, la vérité, la vie.

Il nous faut un nouveau départ.

2. La mort de l’égocentrisme.

La mort de l’égocentrisme est aussi un indicateur d’un nouveau départ dans notre vie.
Avant d’aller plus loin, nous devons constater la mort de l’égologie, l’égocentrisme dans notre vie. Le « Je » égoïste doit laisser sa place à un Nous majestueux, c’est-à-dire les « autres et moi »devra devenir la confession de foi dans notre vie. La mort du trois « moi », « moi », « moi » dans notre vie est un indicateur d’un nouveau départ. On ne se dit plus : « les autres n’existent pas » ; mais on dit : « les autres aussi existent autour de moi et leurs efforts sont utiles pour mon épanouissement ». Je suis parce qu’ils ont été avant moi et ils seront après moi, si je prépare l’environnement pour eux !

Mais l’homme de nature égoïste semble vouloir vivre que pour lui seul et pas pour lui et les autres et cela s’observe dans l’Eglise, dans la société, dans la politique de cette Nation : Le moi n’est pas encore mort. Nous devons le tuer et organiser ses obsèques en plein jour dans cette nation où il sera interdit d’organiser de deuil national, mais à la place décréter une réjouissance nationale, populaire et pleine d’actions de grâces à Dieu. Le moi doit être supprimé car il est le guide de l’envie, de la jalousie, de la haine des autres, des querelles sans cause ni raison vraisemblable. Là où était le Moi, Dieu devra prendre place dans nos cœurs.
Et la pensée de Dieu règnera dans nos cœurs des humains. La recommandation impérative de Jésus qui dit : « Cherchez premièrement le Royaume et la justice de Dieu et toutes choses vous seront données par-dessus ». Mt 6, 33 sera notre mode de vie sur cette terre.

Malheureusement, nos priorités sont loin d’être la quête ni du royaume, ni de la justice de Dieu parmi les humains. Nous ne cherchons que le royaume de ce monde éphémère et ne distribuons que la justice injuste et corrompue des hommes qui acceptent les présents pour condamner l’innocent et laisser libre les coupables. Il nous faut ici un Nouveau départ dans notre vie et dans l’âme de notre nation dans sa quotidienneté. Si nous cherchons le Royaume de Dieu et sa justice, Lui se chargera entièrement, totalement, complètement et parfaitement de la responsabilité de pourvoir à tous nos besoins.

Un nouveau départ doit toujours faire de Mt 6, 33 son objectif ; c’est-à-dire quiconque veut réussir désormais dans ce qu’il fait ou veut réaliser doit savoir faire de cette impérative son objectif de vie : La quête quotidienne du Royaume et de la justice de Dieu.

Nous avons besoin d’un nouveau départ dans ce que nous faisons.

3. L’amour de ses ennemis pour être fille ou fils de Dieu

Etre fille ou fils de Dieu, exige en nous l’amour de nos ennemis. L’histoire que Martin Luther King nous relate est un exemple éloquent qui conduit à la réconciliation plutôt que la haine qui nous déprime et nous détruit. King écrit ceci :

« Lincoln a tenté l’expérience de l’amour et a laissé à l’histoire un magnifique exemple de réconciliation. Alors qu’il faisait campagne pour la présidence des Etats-Unis, l’un de ses principaux ennemis était nommé Stanton.
Pour quelque raison, Stanton haïssait Lincoln. Il mettait toute son énergie à l’abaisser aux yeux du public. La haine de Stanton pour Lincoln était si profonde qu’il puisait des mots discourtois en parlant de son aspect physique et cherchait à le mettre sans cesse dans l’embarras par les diatribes les plus mordantes. Mais cela n’empêcha point Lincoln d’être élu Président des Etats-Unis. Vint le moment de choisir son Cabinet où figureraient ses collaborateurs les plus proches dans la mise en œuvre de son programme. Il commença par choisir ça et là les titulaires des divers secrétariats. Le jour vint finalement pour Lincoln de choisir celui qui remplirait l’office capital de Secrétaire à la Guerre. Pouvez-vous imaginer qui Lincoln choisit pour ce poste ? Nul autre que ce Stanton. Ce fut un beau vacarme quand cette nouvelle se répandit. L’un après l’autre des Conseillers vinrent dire : ‘ Monsieur le Président, vous commettez une erreur. Connaissez-vous ce Stanton ? Etes-vous au courant de toutes les horreurs qu’il a débitées contre vous ? C’est votre ennemi. Il cherchera à saboter votre programme. Y avez vous réfléchi, Monsieur le Président ? ‘ La réponse de Lincoln fut polie et directe : ‘Oui, je connais Monsieur Stanton. Je suis au courant des choses terribles qu’il a dites contre moi. Mais après avoir fait le tour de la nation, j’estime qu’il est le meilleur pour ce poste.’ Et Stanton devint Secrétaire à la Guerre d’Abraham Lincoln et rendit à son pays et à son Président des services inappréciables. Quelques années plus tard, Lincoln fut assassiné. Beaucoup d’éloges lui furent décernés. Aujourd’hui encore, des millions d’hommes l’admirent comme le plus grand des américains (…) Mais de ce qui a été dit à la gloire d’Abraham Lincoln, rien ne dépasse les paroles de Stanton. Débout devant le corps de l’homme qu’il avait autrefois haï, Stanton parla de lui comme l’un des hommes les plus grands que la terre ait portés et déclara :’il appartient désormais à l’histoire.’ Si Lincoln avait haï Stanton, les deux hommes seraient descendus ennemis au tombeau. Mais par la puissance de l’amour, Lincoln fut d’un ennemi un ami. C’est fut la même attitude qui permit à Lincoln de prononcer une parole bienveillante pour le Sud durant la guerre civile, au moment où l’animosité était la plus vive. Choquée, une dame présente lui demanda comment il pouvait parler ainsi, Lincoln répondit : ‘ Madame, n’est ce pas détruire mes ennemis que d’en faire mes amis ?’ C’est là le pouvoir de l’amour rédempteur. »

Et Jésus dans Mt 5, 43-45 le dit de manière impérative à quiconque se déclare de Lui et qui est pour Lui de vivre cet enseignement quand il dit :

Vous avez appris qu’il a été dit :
« Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi »
Mais moi je vous dis :
« Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent,
Faites du bien à ceux qui vous haïssent et priez pour
Ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent, afin que
Vous soyez fils de votre Père qui est dans les Cieux ».

L’histoire de l’amour de Lincoln pour son ancien ennemi et le message impérieux de Jésus dans les évangiles par rapport à l’amour de nos ennemis est un indicateur d’un nouveau départ.

4. Apprendre à vivre au milieu des critiques, tribulations avec humilité, c’est aussi
un des indicateurs d’un nouveau départ.

Ecoutons ce que Paul de Tarse écrit à ce propos quand il s’adresse aux Corinthiens
(2Co 6, 1-10) : « Puisque nous travaillons avec Dieu, nous exhortons à ne pas recevoir la grâce de Dieu en vain. Car il est dit : au temps favorable, je t’ai exaucé, au jour du salut, je t’ai secouru. Voici maintenant le temps favorable, voici maintenant le jour du salut. Nous ne donnons aucun sujet de scandale en quoi que ce soit, afin que le ministère ne soit pas un objet de blâme. Mais nous nous rendons à tous égards recommandables, comme serviteurs de Dieu, par beaucoup de patience dans les tribulations, dans les calamités, dans les détresses, sous les coups, dans les prisons, dans les troubles, dans les travaux, dans les veilles, dans les jeûnes ; par la pureté, par la connaissance, par la longanimité, par la bonté, par un esprit saint, par une charité sincère, par la parole de vérité, par la puissance de Dieu, par les armes offensives et défensives de la justice ; au milieu de la gloire de l’ignominie, au milieu de la mauvaise et de la bonne réputation ; étant regardés comme imposteurs, quoique véridiques, comme inconnus, quoique bien connus, comme mourants, et voici nous vivons ; comme châtiés, quoique non mis à mort ; comme attristés et nous sommes toujours joyeux ; comme pauvres, et nous enrichissons plusieurs ; comme n’ayant rien et nous possédons toutes choses. »

Ce message nous concerne nous aussi bien que nous ne soyons pas de la Corinthe. Dans ce péricope, nous trouvons la valeur de la maîtrise de soi, de l’acceptation de l’humilité qui sont d’une nécessité capitale dans notre vie, si nous voulons supporter dans la patience les autres qui ne sont pas nous ; mais avec qui nous sommes appelés à vivre ensemble dans un nouveau départ individuel comme collectif.

5. Apprendre à ne mépriser ni à sous-estimer personne dans la vie est l’un
des indicateurs d’un nouveau départ pour quiconque veut réussir dans sa vie !

Beaucoup d’entre nous avons échoué dans la vie, simplement parce que nous avons méprisé et/ou sous-estimé les hommes et les femmes qui étaient en face de nous. L’histoire de David et Goliath en dit long dans son mépris et peut s’illustrer en un exemple pour nous.
Si nous lisons dans 1 Sam 7, 31-58 à l’opposé l’histoire de l’amitié entre David et Jonathan nous apprend que ce dernier bien que Prince du royaume d’Israël ne voulut sous-estimer David fils d’un berger. Car peut être se disait-il en lui-même : « On ne sait jamais … dans la vie ». Et même la péricope de 1 Sam 18è jusqu’à 20è chapitres v23 nous renseigne comment Jonathan était ouvert à Dieu que lui ne voyait et David qui était son vis-à-vis. C’est sûr qu’il savait ce que serait David, cet innocent fils de berger et berger lui-même selon la tradition qui dit : « tel père, tel fils ». Mais pour Jonathan, le plan de Dieu selon lequel, David son ami deviendrait roi à la place de Saül, son père, était prévisible. Le récit le montre clairement comment lui fils de roi et successeur potentiel de son père était préparé à se plier à la volonté de Dieu dans la vie de son ami David.

Il est important qu’on se pose quelques questions par rapport à cette histoire en y impliquant notre vie. Qui connaît les plans de Dieu pour celle ou celui qui est en face de lui ?
Qui peut comprendre qu’un fils de berger devienne roi en Israël ? Cela revient à grimper quel échelon ? C’est présenter quel Curriculum—vitae ? Et c’est dans quel système politique royale ? Il n’y a que Dieu qui peut faire les choses pareilles dans la vie des humains. Il fait ce qu’il veut et quand il le veut.

Mais il faut aussi dire que la mauvaise image de soi-même et les pensées négatives que nous libérons pour nous mêmes et pour les autres nous détruisent beaucoup.
Si nous lisons dans Juges 6, 14-1, nous trouvons une histoire de quelqu’un qui se croyait petit et faible dans le monde de ses pensées, alors qu’il était grand dans les pensées de Dieu. Il s’agit de Gédéon qui se sous-estimait lui-même et voire même devant Dieu et son plan divin.
Il nous faut aussi un nouveau départ dans notre façon de penser. La meilleure façon de combattre notre complexe d’infériorité c’est de nous regarder selon le plan de Dieu et non selon les temps et les circonstances qui nous accompagnent. D’ailleurs Dieu en est le Maître.

Jérémie aussi se sous-estimait sans savoir que Dieu l’avait consacré prophète des nations nombreuses, alors qu’il était encore une masse informe dans le sein de sa mère. Considérons-nous et voyons-nous dans le plan de Dieu. Nous devrions toujours dire : « si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? ». Et soyons toujours du côté de Dieu pour que même si un homme ou une femme ne peut réaliser quelque chose car c’est impossible, nous nous dirons avec foi et plus fort que nous le pourrons avec Dieu.

Si ce que nous voulons faire pour la gloire de Dieu n’est jamais fait sur cette terre des hommes, nous nous dirons avec foi que Dieu peut toujours le commencer avec nous pour sa gloire. Car il est toujours le commencement. Et personne ne peut prédire ni dire la fin de notre vie. Car seul celui qui est la fin peut dire la fin.

Il nous faut un nouveau départ dans notre comportement.

6. Apprendre à refuser de toujours chercher à plaire à tout le monde à la foi s c’est
aussi un des indicateurs d’un nouveau départ pour quiconque veut réussir dans sa vie.

L’histoire d’Aaron est la couronne des exemples malheureux qui puisse exister. Dans Exode 32, 1-6, on nous montre comment il voulut plaire à tout le monde. C’est cela l’échec de son ministère. Car il est difficile de trouver clairement le nom d’Aaron et ses œuvres près des enfants d’Israël, après l’histoire du veau d’or. C’est pour cela que quelqu’un a dit : « Je ne connais certes pas le secret du succès, ni sa feuille de route, ni son mode d’emploi. Mais je me rappellerai toujours que le secret de l’échec dans la vie, c’est chercher à plaire à tout le monde à la fois et de fois au même moment !». Nous le faisons malheureusement nous aussi dans notre vie et nous sommes brillants dans nos échecs de tous les jours. Un nouveau départ est très important comme régulateur de notre comportement.

7. Un nouveau départ est aussi indiqué par une discipline individuelle et collective.


L’anarchie, le désordre, la négligence conduisent inévitablement à la faillite, à la ruine, au malheur. Malheureusement pour beaucoup d’entre nous, ces trois concepts étaient les compagnons de notre pensée dans l’ancien départ. Il nous faut une révolution dans notre conduite. La discipline est prônée par Dieu dès la création. Notre monde est le fruit d’un travail ordonné, méthodique. Pendant six jours Dieu oeuvra suivant un plan bien établi d’avance et scrupuleusement respecté.

Nous devrions suivre l’exemple de l’ordre que Dieu nous donne dans sa création. Dieu n’aime pas le désordre, ni la négligence. Le temps qu’Il nous donne est précieux. Profitons des 24 heures dit-on par jour pour toujours partir de bon pied et du bon côté de la vie en réinventant chaque matin, chaque soir, chaque jour, chaque nuit, chaque semaine, chaque mois, chaque année un nouveau sens à donner à notre vie individuelle et collective au milieu de nos semblables. Et ce faisant, un nouveau départ aura effectivement un sens dans notre vie.


APPEL A LA CONSCIENCE PROTESTANTE

Où sont passés les protestants au Congo?
Appel à la prise de conscience

La redondance de faits et gestes dans l’agir du protestantisme congolais, tel que nous le vivons aujourd’hui inquiète de son avenir. Il inquiète les protestants Congolais eux-mêmes ; il inquiète aussi d’autres peuples chrétiens qui croyaient trouver en ce protestantisme un exemple à suivre surtout dans la forme de son unité, sans cesse à construire, dans la diversité. Dans la plupart des pays du protestantisme, l’impact de celui-ci est très significatif dans la vie de populations. Quand le protestantisme se prononce sur un fait, vite celui-ci est doublement examiné pour éviter le scandale. Car depuis toujours, on sait trouver des traces qui indiquent que ce mouvement ou ce courant du Christianisme n’est pas le moindre dans l’histoire, et a toujours bouleversé le monde dans son idéologie. N’est- ce pas que son apport est grand dans l’âme de nombreuses Constitutions des pays qui ont une certaine suprématie au monde ? N’est-ce pas que le sens de la liberté et de la démocratie sont la prunelle de l’œil du protestantisme ?

Il sied de constater qu’à travers ce qui se fait comme lecture du protestantisme au Congo, on a tendance à se rendre compte de beaucoup de déviations, parfois, malheureusement bien entretenues. Entre ce qui se fait et ce qui devrait réellement se faire, l’écart est très considérable. Quelle conception avoir du protestant et du protestantisme tel que vécu au Congo par les Congolais mieux les églises protestantes du Congo? Ne faut-il pas orienter les protestants vers les sources de ce mouvement et aussi éveiller l’esprit critique de protestants du Congo pour qu’ils réfléchissent sur ce que doit être le contenu à donner à leur identité dans l’univers du Christianisme ? Les Congolais n’ont-ils pas reçu cette identité de l’Occident acquis à la Réforme ? Mais, où sont-ils passés, ces protestants du Congo, devant le reniement permanent de leur identité ?

Depuis 1878, le protestantisme avait une particularité identitaire au Congo. On savait d’emblée faire la différence entre ce courant du Christianisme et d’autres. Il avait sa nature, sa forme de vie, son ethos, son éthique, son style de culte, son identité hymnologique, sa manière de s’habiller, spécialement ses clergés, etc. Le protestantisme était toute une identité existentielle. Si ce courant chrétien ne pouvait pas égaler le catholicisme en nombre d’adhérents, du moins, il était un contrepoids important depuis l’époque léopoldienne.

Philippe Kabongo Mbaya a écrit un ouvrage important qui est intitulé L’Eglise du Christ au Zaïre, Formation et adaptation d’un protestantisme en situation de dictature. Cet ouvrage sera le document de base de cette réflexion en ce sens qu’il nous éclairera de sa lanterne dans ce questionnement que nous soulevons par rapport au protestantisme congolais. Dans son ouvrage Kabongo écrivait en 1992 ce qui suit :

« Le protestantisme congolais est, numériquement et institutionnellement, le deuxième groupe confessionnel dans l’ancien Congo belge. Talonnant le catholicisme, et largement au-dessus du kimbanguisme, l’ensemble protestant (Eglises, œuvres, institutions diverses, etc.) constitue une importante composante de la société. […] Il est également le plus important de toute l’Afrique noire et vient au premier rang des protestantismes francophones du monde »[1].

Mais une question nous hante. Comment se présente-t-il aujourd’hui, le protestantisme congolais ? Cette question soulève deux préalables qu’il nous faudra élucider : Qu’est-ce que le protestantisme ou qu’est-ce qu’un protestant? C’est quoi le protestantisme congolais ?

1. La quiddité du protestantisme

On peut comprendre que la quiddité de ce terme se trouve logée dans l’adjectif qui le crée : protestant. Ainsi, il nous sera aisé de commencer par examiner cet adjectif qui, d’ordinaire, ramassera le propos du protestantisme.

1.1 Le protestant. Origine et compréhension du terme

Ce terme dénote d'abord un adjectif relatif, à celui et celle ou ce qui proteste. Chrétienne, chrétien appartenant à religion reformée et qui rejette l'autorité du pape de Rome.[2] On y compte les anglicans, les calvinistes, les évangéliques, les luthériens, les presbytériens, les puritains (...). Leur pluralité forme dans leur ensemble ce qu'on peut appeler le protestantisme. En effet, le protestantisme est le fruit de la grande révolution, le séisme religieux qui a eu lieu en Allemagne en XVIè siècle sous la houlette de Martin Luther, moine catholique de l'ordre de Saint Augustin. Ce protestantisme de Luther bien que forgé pour de motifs religieux, il s'est vu changé et chargé par la révolte des paysans dont la situation sociale avait déjà provoqué des jacqueries en Angleterre et en France au XIVè siècle, en Frise, en Suisse et en Alsace vers 1490. C'est dans le cadre de la lutte pour l'abolition des droits seigneuriaux, la suppression du servage et la réduction des impôts et de corvées que le protestantisme s'est vue placé aussi sur le terrain politique et social alors que Luther le plaçait sur le plan exclusivement religieux. [3]

1.2.1 Compréhension historique

Dans le souci de bien cerner le sens et la signification du mot protestant, un recul dans l'historicité de la Réforme nous sera très avantageux. Il faut chercher et trouver le sens du mot protestant et sa signification dans le soutien légendaire des princes allemands qui avaient souscrit pour la cause de Martin Luther. Ils avaient bravé l'injonction qui leur avait été faite par l'empereur Charles Quint de condamner les doctrines de Luther. Nous sommes là à la diète de Spire, en 1529. Comme le fait observer Ellen G. White : "Le courage, la foi et la fermeté de ces hommes de Dieu ont assuré la liberté de conscience aux siècles suivants. Cette protestation mémorable, dont les principes constituant, l'essence même du protestantisme, donna son nom aux adhérents de la Réforme dans le monde entier". [4]

Cette déclaration ou mieux protestation solennelle que Ellen. G. White appelle "essence même du protestantisme" était rédigée et présentée devant l'assemblée nationale réunissant tous les princes. Et, sans tenir compte de l'absence du roi Ferdinand qui, après avoir annoncé les volontés de la hiérarchie et celle de la papauté, se retira sans donner aux adjuvants de Luther l'occasion de lui répondre, les princes déclarèrent:

Nous protestons par les présentes, devant Dieu, notre unique Créateur, Conservateur, Rédempteur et Sauveur, qui un jour sera notre juge, ainsi que devant tous les hommes et toutes les créatures, que, pour nous et pour les nôtres, nous ne consentons ni n'adhérons en aucune manière au décret proposé, dans la mesure où il est contraire à Dieu, à sa sainte parole, à notre bonne conscience et au salut de nos âmes. Quoi ! Nous déclarerions, en adhérant à cet édit, que si le Dieu tout-puissant appelle un homme à sa connaissance, cet homme n'est pas libre de la recevoir ! [5]

La déclaration de princes ajoute :

Il n'est de doctrine certaine que celle qui est conforme à la parole de Dieu, (...) Les Seigneur défend d'en enseigner une autre; (...) chaque texte de la Sainte Ecriture devant être expliqué par d'autres textes plus clairs, ce Saint Livre est, dans toutes les choses nécessaires au chrétien, facile et propre à dissiper les ténèbres. Nous sommes donc résolus, avec la grâce de Dieu, à maintenir la prédication pure et exclusive de sa seule parole, telle qu'elle est contenue dans les livres bibliques de l'Ancien et du Nouveau Testament, sans rien ajouter qui lui soit contraire. Cette parole est la seule vérité; elle est la norme assurée de toute doctrine et de toute vie, et ne peut jamais ni faillir ni se tromper. Celui qui bâtit sur ce fondement résistera à toute puissance de l'enfer, tandis que toutes les vanités humaines qu'on lui oppose tomberont devant la face de Dieu (...). Voilà pourquoi nous rejetons le joug qu'on nous impose. [6]

Au regard de cette déclaration de protestataire de la diète de Spire, dénotons l'esprit et le sens de la liberté mais aussi ceux du courage. Humainement influencés par le nationalisme allemand au côté de Luther, d'une part, et, spirituellement rencontrant et faisant leur les doctrines de Luther d'autre part, les princes allemands ont forgé par le contenu de leur célèbre protestation l'essence même du protestantisme. L'on comprend dès lors que cette déclaration confessante "s'élève contre deux abus de l'homme dans les choses de la foi : l'intrusion du magistrat civil et l'autorité arbitraire du clergé. A la place de ces deux abus, le protestantisme établit, en face du magistrat, le pouvoir de la conscience; et en face du clergé, l'autorité de la parole de Dieu...". [7]

Le texte récuse l'amalgame de choses entre le pouvoir civil et les choses divines. Et à l'instar des prophètes et des apôtres, il stipule qu’il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes. On comprend dès que le protestantisme priorise non seulement le fait de croire et celui de pratiquer la foi mais aussi la liberté d'exprimer librement ce que l'on estime être la vérité et conteste à quiconque le droit de l'en priver. Il trouve en la Bible la seule autorité suprême en la matière de la foi. Il prône la tolérance religieuse et affirme clairement le droit de tout homme à servir Dieu selon sa propre conscience. Par rapport à la Bible, l'Ecriture Sainte, Luther dira même que "tous les Pères de l'Eglise ne vaudraient pas contre un seul verset" car elle est au dessus de tous et à la base de notre foi. Elle doit toujours contrôler notre foi qui est l'expérience religieuse personnelle de tout homme.

Eu égard à tout ce qui précèdent, en rapport avec le protestantisme, on voit bien que c'est le protestantisme qui accueille les femmes et les hommes, leur enseigne le sens et le contenu de sola scriptura, sola gratia, sola gloria et sola fidei; leur communique les moeurs et le sens de la piété, l'amour de la vérité et l'obéissance à Dieu plutôt qu'aux hommes (...) comme c'est éloquemment prescrit dans le texte de protestation des princes qui en constitue son essence. Le protestantisme est donc une autre vision de la chrétienté dans le christianisme où la notion de la liberté sert de toile de fond. C'est de là que sortent depuis la Réforme les protestantes et protestants. Libérés de la soumission, ils jouissent de leur liberté. Et, comme l'explique Luther, qui se base du texte de 1 Co 9, 19 et celui de Rom 13, 8 qui ont trait à la liberté et à la soumission, en ces termes :

(...) on doit vivre la foi et l'amour chrétien dans une formule aussi saisissante et dialectique que celle-ci : le chrétien est en toutes choses un libre Seigneur, il n'est soumis à personne; en même temps l'homme chrétien est en toutes choses serviteur, il est soumis à tout le monde. [8]

C'est cela même l'éthique de l'être protestant. Et nous pouvons le dire à la suite de Roger Mehl que "les réformateurs visaient une réévaluation de la doctrine chrétienne"[9] dans leur combat. C’est ainsi que le protestantisme ne peut réellement se comprendre et se vivre fondamentalement que la vision de la sauvegarde de la doctrine chrétienne.

2. Protestantisme congolais

Le protestantisme congolais, héritier et fruit de l’évangélisation des groupes protestants à la fin des années trente, est en quelque sorte la structuration des communautés chrétiennes congolaises telles qu’organisées depuis les stations missionnaires. Ces stations qui, aux temps des missionnaires, « loin d’être des îlots, fermées sur elles-mêmes, il s’agissait en fait- comme chez les catholiques- de centres de rayonnement d’où partait le mouvement d’évangélisation vers les régions avoisinantes ».[10] Il faut dire que les méandres de l’avènement du protestantisme congolais nous peuvent nous révéler de choses importantes. C’est ainsi que Kabongo Mbaya peut encore dire par rapport aux causes lointaines de l’avènement du protestantisme congolais que :

« Le développement des communautés autochtones protestantes, sous l’égide d’institutions missionnaires différentes et pluralistes, posait malgré tout la problématique de la finalité de l’œuvre missionnaire. Devait-elle reproduire le dénominationalisme qui caractérisait les sociétés missionnaires évangéliques, ou plutôt conduire à la constitution d’une entité ecclésiale supra-dénominationnelle ? ».[11]

A en croire notre auteur, les missions ont beaucoup lutté contre l’esprit le dénominationalisme. L’histoire nous rapporte que l’un des dirigeants les plus respectés de l’ « American Baptist Mission », le Révérend P.A MC Diarmid, disait : « Nous avons des milliers de convertis, mais aucun d’eux ne connaît les mots « Dénomination Baptiste » Ils s’appellent »Hommes de Dieu » (ou du Christ), « Enfants de Dieu »( ou du Christ). A Luebo, ils utilisent (ces) mêmes termes ; à Boma, Bolenge,Yakusu, Lusambo et Niangara, c’est la même chose ; on insiste sur le fait que nous sommes unis, et non divisés, en Christ ; en étant un seul corps dont il est la tête ».[12]

On voit en filigrane, le souci de l’édification de l’Eglise autochtone mais protestante au Congo qui se dessinait déjà. Mais une Eglise qui soit non-dénominationnelle, unie entre les chrétiens, pas trop versée dans une hiérarchisation qui ferait souffrir les libertés individuelles et ecclésiastiques. De ce fait, cette Eglise du protestantisme, contrairement au modèle catholique qui priorisait la hiérarchie, et de par son ecclésiologie, elle (l’Eglise protestante) avait choisi d’obéir aux évidences du protestantisme anglo-saxon ou mieux de l’Eglise dans tout protestantisme: c’est-à-dire une forte dose de conscience du caractère « scripturo-centrique » de l’Eglise et de sa nature toujours laïque. Mais une question peut se poser : Comment l’unification du protestantisme congolais a pu s’accomplir ?

Pour répondre à cette question, il va falloir faire un survol historique rapide des faits essentiels qui ont accompagné cette unification ou ce rassemblement pour un protestantisme congolais même si cela sera fait de façon non exhaustive. C’est le souci d’appréhender les éléments qui nous permettront de répondre à notre grande question de « Où sont passés les protestants au Congo ? » que nous le faisons.

2.1 Le protestantisme congolais et ses premières
structures unitaires


On sait que le Congo a appartenu personnellement et sans partage à Léopold II de 1885 à 1908. A sa mort, le souverain belge légua son paradis à la Belgique. Le parlement belge, après quelques hésitations, accepta de reprendre la tutelle de la colonie et cela de 1908 à 1960. Il faut se rappeler que des nombreuses missions s’implantèrent au Congo pendant cette période jusqu’à la Première guerre mondiale. Si la Belgique avait eu pour devise l’union fait la force, le besoin profond de l’union pour avoir une force se ressentait dans l’âme des missionnaires protestants qui étaient tous confrontés à la montée de l’hostilité sans nom des missions catholiques d’une part et mais aussi la lutte pour survivance face à la politique coloniale qui était manifestement à leur détriment. C’est ici que se trouve être les origines des premières structures d’unité et de concertation entre missions protestantes sous la pesanteur de l’Etat colonial et les missions catholiques dites nationales par l’Etat léopoldien qui, sans s’engager ouvertement à interdire la présence et les activités protestantes, contrecarrait simplement le travail des protestants. On se souviendra qu’il le faisait en réservant son soutien et ses largesses aux seules missions catholiques belges. C’est ici qu’on institutionnalisera la discrimination rendue manifeste en des appellations comme « missions nationales » et « missions étrangères ».

Ces injustices officielles faites contre les missions protestantes au Congo renforcèrent sans doute la quête de l’union fait la force dans l’agir de ces dernières. D’ailleurs, bien avant, en 1902 déjà, sous le règne de Léopold II les missions protestantes organisèrent leur toute première rencontre du 18 au 21 janvier. Ce fut un colloque qui se tint à Stanley-Pool (actuel Kinshasa) réunissant les représentants de huit associations protestantes, à savoir[13] : ABMU ( American Baptist Mission Union) aujourd’hui Communauté Baptiste du Congo Ouest CBCO, APCM ( American Presbyterian Congo Mission) aujourd’hui Communauté Presbytérienne au Congo, BMS (Baptist Missionary Society) aujourd’hui la Communauté Baptiste du Fleuve Congo, CBFC, CBM (Congo Balolo Mission), CMA ( Christian and Missionary Alliance) aujourd’hui Communauté des Eglises Evangéliques de l’Alliance, CEAC, FCMS (Foreign Christian Missionary Society de « Disciple of Christ », SMF ( Svenska Missions Förbundet) et WM ( Westcott Mission) avec pour thème général : « Tous unis en Christ Jésus ».[14]

Il faut dire avec Irvine cité par Kabongo Mbaya que la pratique de ces rencontres s’institutionnalisait par le biais d’une organisation à caractère fraternel et informel : la conférence générale des Missions protestantes au Congo. Les missions protestantes continuèrent à se retrouver dans le cadre de cette instance jusqu’en 1911, à raison d’une conférence tous les deux ans, sauf pendant la Première guerre mondiale.[15]
A Bolenge en 1911 lors de la conférence générale des Missions protestantes au Congo deux décisions importantes concernant la vie et les activités du protestantisme seront prises, à savoir :


1) La création du Comité de continuation au Congo, en conformité avec les recommandations de la Conférence internationale missionnaire d’Edimbourg de 1910. Signalons qu’avec l’avènement de ce comité, la Conférence générale des Missions protestantes au Congo disparaissait comme entité terminologique.

2) L’édition d’un journal, Congo Mission News. Ces deux actes et bien d’autres encore montrèrent combien l’engagement de la des missions protestantes vers l’unité et la coopération était désormais en marche en avant.

C’est seulement vers les années vingt, mieux en 1924 que dans une des résolutions du Comité de continuation, celui-ci se transformera en un Conseil protestant et nombreux auteurs pensent que l’adjectif « protestant » vient ici indiquer l’image de difficultés de coexistence que les protestants avaient avec les catholiques. Mais la création de ce conseil nécessita une demande de sa reconnaissance légale belge. Selon une lettre du ministre des Colonies, datant du 25 février 1920, n°7 Direction comme aussi celle du Gouverneur général, du 16 avril 1920, n° 267 citées dans les lettres des Colonies du 16 Novembre 1929 adressée au Gouverneur général, cette démarche d’une reconnaissance qui avait été entreprise depuis 1920 demeura vaine. Car l’Administration coloniale ne voyait pas d’un bon œil cette tentative de fédération des associations protestantes[16].

Enfin, un mal nécessaire fut trouvé dans les méandres de la naissance officielle du Conseil protestant du Congo. C’est la deuxième guerre mondiale deuxième guerre (40-45) avec l’occupation de la Belgique par la Nazie. Cette occupation regrettable forcera le gouvernement belge à se réfugier à Londres chez les Anglais. Et là , avec la pression des protestants de milieux britanniques sur ce Gouvernement en exil l’ ordonnance tant attendue sera signée par le Vice Gouverneur général P.Ermens en vue de la reconnaissance du Conseil protestant du Congo, en sigle CPC. C’était le 23 avril 1941.[17]

Il est avantageux d’indiquer que le CPC, dans l’esprit et la lettre de l’ordonnance qui le créa, était et devait demeurer un organisme sans aucun pouvoir sur les missions membres, son autorité étant strictement consultative[18].

2.2 Le protestantisme congolais et ses combats
sous la houlette du CPC

Le Conseil protestant au Congo comme structure unitaire, représentant et défenseur des intérêts du protestantisme au Congo avait réussi à arracher nombre de petites victoires- même si non spectaculaires- mais qui méritent qu’on les relève si l’on veut passer au crible de la raison d’être, du travail, mieux du rôle que joue le protestantisme d’aujourd’hui au Congo.

Dans un environnement pro-catholique sur le plan religieux, politique, social sous Léopold II et même pire sous le gouvernement Colonial belge, le protestantisme au Congo avec le CPC avait essayé de contourner un certain nombre de situations difficiles. Dans cet appel à la conscience des protestants nous en relevons 16 défis relevés que nous tirons de l’ouvrage de Kabongo Mbaya, à savoir :

1. La résistance intelligente et militante organisée des protestants face à la poussée de la campagne de l’anti-protestantisme pratique et doctrinaire voire l’hostilité des missionnaires catholiques et de leurs adeptes qui travaillaient nuit et jour pour réduire à néant les efforts du protestantisme[19].

2. De la résistance face à l’anti-protestantisme au Congo de l’époque coloniale depuis 1908. Car il ne faut pas perdre de vue que le protestantisme est arrivé au Congo bien avant que le Congo soit officiellement le paradis privé de Léopold II qui prend ses origines à la conférence de Berlin de 1885.

3. De la lutte pour que les protestants organisent leurs propres écoles avec droit conséquenciel de délivrer des diplômes aux élèves méritants.[20]

4. De la poussée de l’œuvre médicale protestante bien que sans assistance subsidiaire du gouvernement Colonial qui ne finançait que les écoles catholiques.[21]

5. Du refus de céder à la pression et l’embargo que leur faisait subir le gouvernement Colonial entre les années 1920 et 1930 aux fins de provoquer la limitation de l’expansion du protestantisme au Congo. Cela étant l’œuvre influencée par les missions catholiques, les privilégiées du gouvernement Colonial, l’envoi au Congo d’un délégué apostolique de premier rang en la personne de Mgr G. Dellepiane ne fera que renforcer l’hostilité sans affaiblir les efforts de la lutte des protestants.[22]

6. De retombés de la Conférence jubilaire des Missions Protestantes à Léopoldville du 15-23 septembre 1928 qui rallumera les efforts pour l’autonomie de l’Eglise locale qui est l’unité de l’indépendance ecclésiastique comme la famille est l’unité de l’édifice social.[23]

7. De questions de l’indépendance du Congo qui commençaient déjà à s’inviter dans l’ordre du jour de rencontres de missionnaires qui craignaient que les indigènes soient un jour portés à les critiquer et perdre ainsi la confiance en eux bien que les mouvements indépendants prématurés pointaient à l’horizon au Bas –Congo avec le Kimbanguisme[24].

8. De la vision éclairée pour ne pas affecter les institutions missionnaires elles-mêmes dans une sorte de logique fusionnelle, le CPC depuis 1928, privilégiait la coopération et la solidarité entre missions en présence au Congo[25].

9. De la détermination de pas avoir peur mais peut être de faire peur incarnait l’âme du protestantisme au Congo. Il attirait déjà l’attention de l’autorité coloniale, car les questions doctrinales mises de côté, les Eglises indigènes commençaient à délibérer en commun sur les devoirs de leur communauté d’intérêts spirituels, matériels, sociaux voire politique avec une clairvoyance parfaite[26].

10. Même si l’enseignement dispensé par le réseau scolaire protestant a eu pendant longtemps une réputation plutôt négative, l’action médicale et sanitaire des missions protestantes par contre a bénéficié de l’admiration de beaucoup.[27]

11. Le cadre protestant de communauté d’action,le CPC sans devenir le lieu institutionnel de l’attestation de l’Eglise du Christ au Congo, pour que chaque mission sollicite l’admission au conseil en souscrivant à l’objectif fondamental du CPC : bâtir une Eglise où quiconque disait ce qui allait être contribuait à faire être ce qu’il disait.[28]

12. Le déploiement de la campagne pour la lutte protestante pour l’égalité sociale par le CPC, spécialement dans le domaine de l’éducation[29].

13. Le protestantisme au Congo a fait preuve de son engagement dans la dénonciation par les missions évangéliques contre la politique léopoldienne qui déshumanisait par des cruautés sans nom les autochtones Congolais.[30]

14. Même si jusqu’à la fin des années 1940, les protestants accusaient un grand retard historique face à la puissance socioculturelle catholique, il faut reconnaître que les années 1950et 1960sont celles qui présageait déjà la fin possible de l’ordre belge au Congo. Le CPC avait réussi, à la veille de l’accession du Congo à l’indépendance souveraine, à jouer sérieusement son rôle de leader dans l’imagination par l’apparition d’une dynamique associative du laïcat protestant Congolais qui, à son tour, jouera de rôle non moins important à la table ronde de Bruxelles et même à l’indépendance du Congo.[31]

15. En 1960, le protestantisme s’impose malgré tout au Congo. On y rencontre des cadres Congolais (Clercs et laïcs) qui sont désormais membres du Conseil, voire à la tête du Conseil protestant au Congo. 1). On cite le Pasteur Mawanda (SMF) élu comme vice-président, les Méthodistes engagés comme P.Shaumba et J. Bulaya et plus tard avant et pendant les mutations du CPC qui se transformerait en ECC, le Pasteur J. Bokeleale et les autres conduiront prendront le commandement de ce Conseil. 2). En politique, deux protestants émergeront. Ce sont Emery Patrice Lumumba et Moïse Tsombé, tous deux Méthodistes. Mais on retiendra aussi J.Sendwe, I. Kalonji les deux qui n’étaient pas d’importance mineure. 3). Si les protestants avaient eu ce privilège d’être deux à la tête de la Nation, un seul catholique fut J. Kasavubu et au délà de ce qui était arrivé dans leurs conflits, faut-il ignorer ceux de l’ordre religieux ? 4). La création de l’Association des Amis des Missions protestantes du Congo qui s’est vue s’élargir sur l’ensemble du vaste étendue de missions et villes où il y a des protestants. L’histoire nous renseigne que ce fut J. Ekofo qui pour la toute première fois fonda l’AMIPRO au Congo en 1946.

Bouclons ces efforts du protestantisme au Congo sous l’égide du CPC par une note sombre qui ne manquera pas à susciter quelques interrogations en nous.

16. De la position quelque peu floue- si pas totalement floue- des Eglises protestantes dans les tout premiers jours du régime du Général Mobutu. C’est le point de départ mieux le nouveau départ du protestantisme avec un silence très remarquable et cela contrairement à l’éthos que le CPC s’était donné corps et âme depuis les années léopoldiennes. Tenez. Mobutu est venu au pouvoir par un coup d’Etat le 24 Novembre 1965. Jusqu’à 7 mois après, précisément le 30 juin 1966, dans sa prédication, le Pasteur P. Shaumba alors Président du CPC ne citera même pas un seul instant le nom de Mobutu ni celui du nouveau régime[32].

Question. Etait-il le début de la neutralité pour le souci de la non ingérence dans les affaires de l’Etat ou le point de départ de la complicité du CPC avec le régime qui atteindra son point culminant avec l’arrivée du Pasteur J. Bokeleale à la tête du CPC qui se transformera et transformera avec lui l’esprit les objectifs de lutte pour le protestantisme et ses intérêts spirituels, matériels, sociaux et politique pour ne viser que l’esprit de Ein volk, ein Führer, ein Reich avec la naissance plus tard de cette institution que nous appelons Eglise du Christ au Congo du type 1971 … qui malheureusement semble toujours au service de chaque pouvoir en place 36 ans après.

3. Protestantisme au Congo et
ses caractéristiques d’aujourd’hui

Dans les lignes qui suivent, nous aimerions voir si dans l’agir, l’être et le dire de notre protestantisme d’aujourd’hui il reste encore quelque chose de protestant selon l’esprit qui animait son âme depuis les temps du CPC. Le tableau des résumés de réalisations ou des déterminations rendues en des actions de résistances ou positionnement pour l’intérêt général du protestantisme ne pourra que nous mettre dans la confusion. La raison est simple : entre ce que fait le protestantisme au Congo et ce qu’il devrait réellement faire, entre son silence de fois complice et l’esprit de protestation protestante il y a un écart considération. Nous retiendrons quelques faits non exhaustifs.

1. Du manque de la visibilité du protestantisme dans le positionnement lors de grandes questions de non respect de droits humains.

2. De l’absence de l’esprit de la résistance qui l’animait depuis l’époque coloniale depuis 1908. Car il ne faut pas perdre de vue que les protestants sont les premiers à arriver au Congo et cela bien avant que le Congo soit officiellement le paradis privé de Léopold II qui prend ses origines à la conférence de Berlin de 1885.

3. Plus d’ambition chez les protestants pour l’augmentation du nombre de leurs propres écoles. La plupart des écoles qu’on a sont celles créées depuis les années de la fin du CPC.

4. Plus de la poussée de l’œuvre médicale protestante. Le nombre des hôpitaux protestants à la capitale par.ex est non significatif.

5. L’affaiblissement de l’effort dans l’expansion du protestantisme au Congo. Nous gardons encore la cartographie missionnaire de notre étendue.

6. Du reniement presque manifeste des retombés de la Conférence jubilaire des Missions Protestantes à Léopoldville du 15-23 septembre 1928 qui allumait les efforts pour l’autonomie de l’Eglise locale qui est l’unité de l’indépendance ecclésiastique comme la famille est l’unité de l’édifice social. L’Eglise locale n’a presque plus de parole.

7. Si hier les questions de l’indépendance politique du Congo s’invitaient dans l’ordre du jour de rencontres de leaders protestants qui craignaient que les indigènes soient un jour portés à les critiquer et perdre ainsi la confiance en eux, aujourd’hui c’est plus le cas et quand il arrive que l’on en parle, c’est du côté du pouvoir qu’on se place.

8. Si hier, et cela depuis 1928, la vision du CPC était éclairée pour ne pas affecter les institutions missionnaires elles-mêmes dans une sorte de logique fusionnelle, mais privilégiait la coopération et la solidarité entre missions en présence au Congo, aujourd’hui les faits qui prouvent que c’est le fusionnisme qui prime sont criants.

9. De la détermination de ne pas avoir peur mais peut être de faire peur incarnait l’âme du protestantisme au Congo a disparu. On ne sait plus attirer l’attention de l’autorité politique sur le bien être de nos populations et surtout sur le sens du commun sur les devoirs de leur communauté d’intérêts spirituels, matériels, sociaux voire politique avec une clairvoyance parfaite.

10. L’enseignement dispensé par le réseau scolaire protestant dans l’ensemble a encore quelque réputation plutôt négative et l’action médicale et sanitaire des missions protestantes ne bénéficie plus de l’admiration d’antan.

11. Le cadre protestant de communauté d’action, l’ECC l’ancien CPC est devenu beaucoup plus le lieu institutionnel de l’attestation de l’Eglise du protestantisme au Congo, pour que chaque communauté ne puisse évoluer sans elle en souscrivant à son objectif fondamental : bâtir une Eglise où quiconque dira et fera même ce qui ne se dit ni ne se fait chez les protestants. Chacun contribue à faire être ce qu’il n’est pas protestant mais on l’accepte.

12. Le protestantisme au Congo ne fait plus preuve de son engagement dans la dénonciation, renonciation contre le pouvoir car elle en fait partie.

13. Si hier jusqu’à la fin des années 1940, les protestants accusaient un grand retard historique face à la puissance socioculturelle catholique, et que les efforts des années 1950 et 1960 ont conduit le laïcat protestant à jouer sérieusement son rôle de leader à la table ronde de Bruxelles et même à l’indépendance du Congo, aujourd’hui le laïcat protestant en hibernation si pas déjà mort.

14. De 1960 à ces jours on a eu que des cadres Congolais (Clercs et laïcs) comme membres du Conseil, voire à la tête du Conseil protestant au Congo aujourd’hui ECC. On cite le Pasteur Mawanda (SMF) élu comme vice-président, les Méthodistes engagés comme P.Shaumba et J. Bulaya, le Pasteur J. Bokeleale, aujourd’hui l’Evêque P. Marini et les autres ont pris le commandement de ce Conseil. Qu’ont-ils réellement fait qui puisse surpasser les missionnaires d’hier par rapport à l’ensemble des principes protestants ? Et sur le plan politique, deux protestants avaient émergé. C’étaient Emery Patrice Lumumba et Moïse Tsombé, tous deux Méthodistes et laïcs protestants de l’Amipro. Mais on rappellera aussi les noms de J.Sendwe, I. Kalonji tous deux qui n’étaient pas d’importance mineure dans les méandres de l’accession du Congo à l’indépendance. Où sont-ils passés pour qu’ils ne soient pas suivis dans le témoignage de leur esprit protestant qui manque aujourd’hui ?

15. La continuation de la position quelque peu floue- si pas totalement floue- des Eglises protestantes dans les tout premiers jours du régime du Général Mobutu est ce qui se fait jusqu’aujourd’hui. Le règne de la loi du silence et de la non assistance de la nation en danger, du non assistance du protestantisme en perte de symbole d’identité et de personnalité. C’est le point de départ mieux le nouveau départ du protestantisme avec un silence très remarquable et cela contrairement à l’éthos que le CPC s’était donné corps et âme depuis les années léopoldiennes. Tenez. De la même manière le Pasteur P. Shaumba, alors Président du CPC ne citera même pas un seul instant le nom de Mobutu ni celui du nouveau régime de Mobutu qui est venu au pouvoir par un coup d’Etat le 24 Novembre 1965 dans sa prédication 7 mois après, précisément le 30 juin 1966, de la même manière J. Bokeleale a fait avec Mobutu et de la même fera P. Marini. Peut être lui un peu plus. Car au lieu et place d’un laïc, il se laissera aller dans une position délicate et se présentera lui-même comme acteur politique de premier plan au Sénat de la Transition.

4. Où sont passés les protestants Congolais?

Dans ces lignes, j’aimerais me poser, à titre de conclusion, des questions pour les quelles je n’ai pas de réponses toute faites. Car chacun peut trouver ses propres réponses à ces questions qui peuvent nous intéresser nous tous comme protestants.

Où sont passés les protestants ? Sont-ils engloutis dans les décombres de la maison qui transforma l’esprit et les objectifs de lutte pour un protestantisme fort et ses intérêts spirituels, matériels, sociaux et politique pour ne viser que l’esprit de Ein volk, ein Führer, ein Reich dans l’agir de cette institution que nous appelons Eglise du Christ au Congo du type 1971 … qui malheureusement est devenue elle-même une fusion des Eglises, une Eglise locale, une Eglise pour le pouvoir sans trop travailler à l’émergence des laïcs dans la gestion du res publica …mais toujours au service de chaque pouvoir en place 36 ans après. Où est passé le protestantisme au Congo ? Est –il annexé au régime en place pour cesser d’être une dynamique socio-réligieuse attachée à la liberté, au pluralisme et porteuse des grandes innovations fondatrices de choses nouvelles ? Où est passé l’esprit protestant, ferment des mouvements d’émancipation et de résistance qui militait contre les cruautés de l’ordre colonial ? Où est passé le protestantisme du non conformisme qui luttait contre la loi du silence devant les injustices sociales ? Où sont passés les protestants qui protestaient contre la légèreté ? Où est passée l’éthique qui faisait la différence entre les protestants et ceux qui ne le sont pas ?

Voilà mon appel à la conscience protestante. Si le protestantisme devrait demeurer et dormir sur son lit douillet de conservatisme au Congo d’aujourd’hui, je proposerais plutôt le conservatisme de l’esprit et de la liberté protestants pour retrouver les traces de ceux que je ne cesse de chercher : les protestants.

Notes


[1] Philippe KABONGO B. Mbaya., L’Eglise du Christ au Zaïre, Formation et adaptation d’un protestantisme en situation de dictature, Paris, Karthala, 1992, p. 7.
[2] Dictionnaire Robert méthodique, Paris, Ed. Larousse, 1983, p. 1148.
[3] Louis EMERY, Histoire du christianisme, Bruxelles, Imprimerie Mathieu, 1954, p.99.
[4] Ellen G. WHITE, La tragédie des siècles, Idaho, Pacific press, 1990, p. 207.
[5] Ibid., p. 213.
[6] Ibid., pp. 213-214.
[7] Ibid.
[8] Martin LUTHER, De la liberté du chrétien, Paris, Aubier Montaigne, 1969, p. 43.
[9] Roger MEHL, La théologie protestante, Coll. Que sais-je ? N° 1230, Paris, Presses universitaires de France, 1967, p. 5.
[10] Cf. KABONGO Mbaya, op.cit., p.21.
[11] Ibid., p.22.
[12] Ibid. KABONGO cite les paroles du Rév. P.A Diarmid ce pasteur Représentant de la BMS au Congo.
[13] Beaucoup des anciennes Missions ont changé d’appellation. Ainsi, aujourd’hui : ABMU (American Baptist Mission Union) aujourd’hui Communauté Baptiste du Congo Ouest CBCO, APCM (American Presbyterian Congo Mission) aujourd’hui Communauté Presbytérienne au Congo, BMS (Baptist Missionary Society) aujourd’hui la Communauté Baptiste du Fleuve Congo, CBFC. CMA (Christian and Missionary Alliance) aujourd’hui Communauté des Eglises Evangéliques de l’Alliance, CEAC, FCMS (Foreign Christian Missionary Society de « Disciple of Christ » Communauté des Disciples du Christ au Congo, CDCC SMF (Svenska Missions Förbundet), aujourd’hui Communauté Evangélique au Congo, CEC…
[14] Cf. Lire les travaux de KABONGO Mbaya pour en savoir plus sur ce cheminement.
[15] Ibid., p.18.
[16] Ibid., p.19
[17] Ibid.
[18] Ibid.
[19] Ibid., p.28.
[20] Ibid., p.37.
[21] Ibid.
[22] Ibid., p.40.
[23] Ibid., p.48.
[24] Ibid., p.49.
[25] Ibid., p.55.
[26] Ibid., p.60.
[27] Ibid., p.26
[28] Ibid., p.67.
[29] Ibid., p.70.
[30] Ibid., p.74.
[31] Ibid., p.81.
[32] Ibid., p.125.

LETTRE A MONSIEUR LYON

A Monsieur James Lyon
Professeur d’Hymnologie
Faculté de Théologie Protestante de Paris

Kinshasa, le 17 Novembre 2005

Cher Professeur,

Merci beaucoup pour la suite que vous aviez réservé à mon message de l’autrefois. Mais, je vous remercierai encore, beaucoup plus, pour le souci qui se crée déjà, très grandement, en vous, par rapport à ma formation à vos pieds. Je le dis, ainsi, car je vois que ma formation, à vos pieds, profile déjà à l’horizon quand je réalise que nos échanges en ce domaine de l’hymnologie vont crescendo. Mais, disons, surtout, que ce domaine qui nous unit, eu égard à notre entendement et notre souhait commun, devra, aujourd’hui plus qu’hier, rebondir dans le travail que font les formations théologiques et nos Eglises en vue d’arriver à une sorte de symbiose utile entre la théologie et l’hymnologie aux fins d’une communication adéquate de l’Evangile de notre Maître Jésus Christ.

Je continue à faire le travail que je me suis imposé personnellement sur la lecture de vos prédications faites à partir de cantiques protestants à l’aube de la Réforme que vous appelez par le terme technique de Liedpredigt. Il faut dire que je suis particulièrement frappé de constater que vous soyez aussi profondément religieux mais à la fois un prédicateur très fertile qui aime le Christ, son Eglise, l’hymnologie du sacré et son enseignement.

Vous faites un travail remarquable. Vous écrivez vos prédications pour les hommes et les femmes de toute génération, en creusant, comme dans un travail de fouille, dans l’histoire de la musique allemande (et pourquoi pas autrichienne- car il parait que les deux n’étaient qu’un seul et même pays à l’origine-), et cela depuis les origines l’ère de la Réforme jusqu’à nos jours. C’est avec beaucoup d’enthousiasme que je vous lis pour toujours apprendre dans le souci de m’informer en vue de me former dans ce domaine de l’Hymnologie qui est celui de ma prédilection.

Cher Professeur,

Oui, vous avez raison quand, par votre expertise, vous arrivez, sans peine, à vous rassurer de la passion qui m’habite pour l’hymnologie mais sans un grand savoir. C’est vrai que du fond du cœur, je porte, avec sérieux, un grand intérêt à l’hymnologie du sacré. Disons que je trouve en cette sous discipline de la théologie pratique une autre caractéristique identitaire, non négligeable, de la Réforme. Car non seulement, elle véhicule, depuis toujours, les différentes théologies de la Bible, l’Ancien comme le Nouveau testament et les expériences religieuses des hommes et des femmes, mais beaucoup plus encore elle s’offre à nous par le chant comme un ferment d’unité des cœurs humains qui se trouvent en train d’entonner un même cantique en chœur de sorte que l’unité des cœurs se réclamant du corps du Christ soit retrouvée.

Ainsi, Cher Professeur, nous ne le dirons jamais assez que l’hymnologie porte en soi toute la cohérence de la communication de l’unité du corps du Christ, en tant qu’elle ne sert pas à diviser mais qu’elle remplit la fonction de rassembleur des humains.

C’est ici que j’étais d’accord avec les idées de Josef Ratzinger, que je porte dans mon cœur, pour ce qui concerne ses réflexions sur ce que doit être la musique du culte. Oui, je l’ai rencontré un jour dans ses écrits avant qu’il devienne Saint Père, Pape Benoit XVI. Je ne sais pas si vous ne l’avez jamais lu un jour ? Il faut dire que dans son ouvrage qui m’avait beaucoup aidé alors que j’écrivais mon mémoire de Licence en théologie en 2002, j’y avais puisé beaucoup de considérations importantes. C’est de son ouvrage ‘’ Un Chant nouveau pour le Seigneur’’ que je fais allusion ici. En lisant Ratzinger, je suis arrivé, un jour, à dire, avec mes mots, à sa suite, que l’unité de l’Eglise appartient aussi particulièrement à l’hymnologie. Car celle-ci, par le chant, trouve son point culminant en ce sens que le chant, dépassant le langage humain, dépassant les clivages raciaux, brisant les liens des appartenances ethniques, sexuelles, linguistiques…est unifiant et œcuménique au vrai sens du mot et va même au delà du genre humain où ‘’le chant nouveau pour le Seigneur entonné par les humains sur la terre, dans l’unité d’esprit et du cœur , se mêle à celui des anges’’ pour la gloire de Dieu créateur. C’est ici que les divisions et les discriminations humaines tombent comme le mur de Jéricho que rapporte le livre biblique de Josué.

Oui, l’herméneutique des hymnes comme texte et celle des motifs mélodiques qui portent la réflexion ou l’expérience religieuse des hommes et des femmes nous montre à quel point l’hymnologie est – comme le dit Luther- la médiatrice entre l’homme et Dieu, car elle met l’individu en communication directe avec le surnaturel. Et s’il m’était permis d’ajouter un mot, à la suite de Luther, je dirais que par elle, l’Evangile qu’elle véhicule peut devenir et demeurer consubstantiel pendant notre vie de chrétiens comme sel de la terre et lumière du monde.

Cher Professeur,

Je regrette que les enjeux de cette discipline, comme vous le dites, malheureusement, ne soient souvent que mal envisagés dans la plupart de nos milieux issus de la Réforme, alors que « notre » Martin Luther devait continuer à nous être aussi utile par ses considérations dans ce domaine de l'Hymnologie. Malheureusement, l’étroite relation que fondent la théologie et l’hymnologie est aujourd’hui caractérisée de relation difficile et sujette à quelques controverses entre les théologiens de la pastorale d’une part et les hymnologues voire les musiciens d’église de l’autre alors qu’elles étaient et devraient toujours demeurer une relation de complémentarité.
D’aucuns pourront donc penser que les controverses ne se situeraient qu’au niveau de la place et de l’importance fondamentale de l’hymnologie dans le cursus théologique. Mais non, le problème est beaucoup plus grand et plus inquiétant : L’Hymnologie de notre identité protestante est persécutée. Son avenir est en danger. Il ne s'agit pas, ici, de nous laisser entraîner dans une peur du lendemain par rapport à l'hymnologie protestante. Mais il faut avouer que notre identité se perd lentement mais sûrement sur ce terrain. On sait que toute hymnologie est liée à une liturgie et la liturgie elle- même est une dimension de la religion comme la religion est comprise comme étant une dimension de la vie. Car, on ne comprend, ou, mieux, on ne peut comprendre la religion que par rapport à la vie qu’elle influence voire qui l’influence. Les deux points de vue sont possibles. De cette manière, on peut être tenté de dire que la religion naît avec l'homme, la liturgie avec la religion dans la quête de l’identité cultuelle et l'hymnologie avec la liturgie. C'est pourquoi la religion, la liturgie et l'hymnologie sont liées avec la vie sociale de la femme et de l'homme qui prient. Puis-je me permettre de penser que je suis dans le bon…Cher Professeur ?

Et comme la vie sociale et ses phénomènes sont toujours totaux et globaux, la religion (chrétienne aussi), sa liturgie et son hymnologie, dans leur vécu quotidien de vis-à-vis comme dans une sorte de « mitsein », en ce qui nous concerne, ne peuvent, en principe, être isolées les unes des autres dans le flux socioculturelle du protestantisme qui les anime et fait leur particularité face à d’autres mouvement religieux qui ont un désir permanent d'un nouveau style de célébration plus participatif et faisant plus de place à l'affectif et à l'émotif où nous voyons venir ou mieux où nous trouvons le lieu de la persécution de l'hymnologie protestante d'Eglise. Les initiatives à propos de la composition hymnique dans ce désir de nouveau style de célébration plus participative n'est plus à démontrer aujourd'hui. L'hymnologie des Eglises de Réveil d’inspiration pentecôtiste en dit long face au protestantisme, notre protestantisme depuis le lieu de la formation théologique jusqu’à celui du culte à la paroisse. Mais, je crois que vous le savez aussi mieux que moi, le souci d’organiser un culte beaucoup plus participatif par le chant était déjà une grande préoccupation de Martin Luther.

La théologie, on le sait, forme des théologiens et des pasteurs. On sait aussi que le culte et son organisation sont comme la prunelle de l’œil du ministère pastoral. La théologie pratique, le sait fort bien. Et, à propos, l’histoire ne nous dit-elle pas que dès 1523 et même en 1524, Luther, le Réformateur protestant, avait émis quelques considérations par rapport au chant et au culte ?
Rappelons- nous que dans ses écrits publiés dans De l’ordre du service divin dans la communauté et Formula missae et communionis Luther affirmait deux préceptes essentiels pour la musique religieuse où le service divin serait centré sur le sermon, l’exégèse des textes sacrés d’une part, et le culte qui devrait recueillir la participation de la collectivité des fidèles par le chant d’autre part. Il faut dire que dans ce sens d’organisation les cantates de Bach en observent très rigoureusement la recommandation. Vous en savez plus que moi, Cher Professeur, car vous avez une longueur d’avance par rapport à la connaissance des œuvres de J.S Bach en ce qui concerne particulièrement la dimension de la participation de fidèles par le chant au culte et même le rôle que Bach assigne à la musique et à la théologie où l’hymnologie joue rôle de relais et de réconciliateur . Car vous affirmez que « Dans ses cantates, Johann Sebastian Bach (1685-1750) a prouvé que sa musique - « recréation de l’esprit » - se réfère à Dieu. En ce sens, la sécularisation progressive de la musique d’église annihile complètement le sens et menace la foi. L’hymnologie relie et réconcilie théologie et musique ; cette dernière en tant que kérygme forgeant et renforçant, à la fois, la spiritualité et la piété (pietas, Frömmigkeit) ».


Cher Professeur,

Dans son Epître aux Rathsherren (en 1524), Luther, on le sait, propose un schéma décisif d’organisation de la vie cultuelle au temple comme à la maison, la cellule familiale, microcosme de la communauté paroissiale. Si au temple, la communauté devrait manifester sa participation active par le chant soutenu à l’orgue, la piété devrait se traduire par le chant quotidien des cantiques à la maison.

On a quelque peu oublié comme vous le dites, toujours, en un sens, Cher professeur, que l’Hymnologie fait partie intégrante de la Théologie pratique, le domaine de champ d’application mais aussi, je crois, le champ de la conceptualisation des réflexions théologiques. Et vous le dites si bien, que, selon Martin Luther, le Singen ("chanter") et le Sagen ("dire") ne font qu'un. Je crois que les théologiens protestants ne devraient pas oublier ni méconnaître cette appréciation luthérienne dans tout ce qu’ils font par rapport à la formation théologique et par rapport au chant qui véhicule l’expérience chrétienne de notre foi.

Cher Professeur,

Si, poussée par l'expérience religieuse quotidienne, l'hymnologie des Eglises autres que celles dites historiques se fonde sur la quête de nouveautés, de ce qui est en vogue, de ce qui se chante facilement et partout dans les cultes, les fêtes, les campagnes d'évangélisation et cela seulement parce que c'est facilement connu de tous, c'est moderne, ça emballe bien le moment de louange et d'adoration, je pense qu’il y a là un problème. Il y a un problème quand les chants de recueils anciens sont déclarés dépassés dans nos Eglises pour se conformer à quelque chose comme « le siècle présent » de Paul de Tarse dans son Epître aux Romains. Le problème que je voudrais soulever ici est celui de l'inattention des Eglises historiques et leurs institutions de formation théologique. Quand l'hymnologie protestante est chassée ailleurs, consciemment ou inconsciemment, l'hymnologie « des autres », avec ses cris voire et ses improvisations, élise domicile dans notre liturgie protestante. L'hymnologie protestante est persécutée dans la rue et dans sa propre maison protestante. La cause de ce problème, je crois, est à chercher dans la compréhension de l’œuvre, ou mieux, dans la compréhension de l’apport du Saint Esprit dans la musique d’Eglise aujourd’hui. Ce qui est vrai est que la compréhension de « chanter par l’Esprit » est plurielle à nos jours et spécialement, chez nous l’africanité en fait aussi le frais. Mais vous, dans votre cours, par contre, vous soulevez une approche un peu particulière qui, en principe, pourra intéresser la réflexion de l’Eglise entière, en général, et celle dite protestante, en particulier.
Cher Professeur,

Vous pensez, en vous appuyant sur les pensées de Paul de Tarse, que pour être autre chose qu’un cri tout animal, le chant doit requérir la participation de l’esprit et de l’intelligence et que les instructions pauliniennes dans sa lettre aux Ephésiens ne sont pas seulement d’ordre pratique. Car situées dans la partie morale des Épîtres concernées (Colossiens et Ephésiens), elles incitent à retrouver le chemin du Christ dans le contexte de crise qui sévissait à Colosses, hier, et partout là où il y a Eglise aujourd’hui, en vue d’amener chaque homme, chaque femme à se défaire du « vieil homme » et de revêtir « l’homme nouveau » capable d’entonner le « chant nouveau ». Ce qui est encore très remarquable, vous dénichez aussi facilement la logique voilée de trois « formes » citées par l’apôtre - « psaumes, hymnes, cantiques inspirés par l’esprit » - lesquelles correspondent, à ce que vous tenez, plus spécialement, comme à des étapes d’une marche et que vous expliquez aussi clairement les choses. Pour vous, le « psaume » ou chant soutenu par l’instrument - du grec psalmos (« air joué sur la lyre »), de la famille du grec psallein (« faire vibrer »), psalmôdia (« action de chanter en s’accompagnant de la lyre » - exprime tous les états intérieurs de l’âme humaine, de la souffrance à la joie, en passant par la plainte, la récrimination ou la colère. Vous dites que « L’hymne » correspond à la seule louange et « l’ode (cantique) spirituelle » constitue, en quelque sorte, l’aboutissement d’un parcours vers la foi au Christ, c’est-à-dire la parfaite maîtrise de l’amour et de la joie, le triomphe sur Satan. Ces trois degrés du chant essentiel - action de grâces permanente - sont gouvernés par l’Esprit Saint. Ils conduisent à la joie (chara) qui est amour (agapè). Ils célèbrent et annoncent (kérygme) la victoire sur la mort qui est le péché. Ils manifestent, par la force de la foi, la Lumière, la sortie des ténèbres. Cher Professeur, vos idées sur ce point, à mon sens, ne sont pas très éloignées de celles que soutient Ratzinger par rapport à la compréhension du culte, son organisation et le rôle donné au chant. Cfr. Ouvrage de Joseph Ratzinger déjà cité.

Cher Professeur,

La problématique de la « musique d’église comme manifestation de l’Esprit Saint » que vous soulevez, à la suite d’Oskar SÖHNGEN, de Johann Mattheson (1681-1764), et d’Ulrich ASPER, fait tomber la paille de nos yeux par la connaissance que vous partagez avec nous. Vous trouvez les mots justes pour nous rappeler que la musique d’église, confiée à la Kantorei, complète harmonieusement le chant d’assemblée, lui-même relié à la prédication. Et vous dites que pour le théoricien et compositeur allemand Johann Mattheson (1681-1764), lui, il atteste encore, en 1725 - dans sa Critica musica – que lorsqu’il placera le prédicateur et le Kantor sur un pied d’égalité : « Tous deux exaltent la Parole de Dieu ». La Parole chantée se concrétise par la richesse du lien entre la monodie et la polyphonie. Autrement dit, de l’unité à la multiplicité, du simple au complexe, du populaire au savant. La Parole chantée développe deux fonctions, la première - théocentrique - centrée sur Dieu en tant que Louange ; la seconde - anthropocentrique - centrée sur l’homme en vue de la Proclamation. Cette dualité complémentaire nourrit l’exégèse développée au cours de la prédication. À cet égard, la musique apparaît comme la manifestation de l’Esprit Saint.

Cher Professeur,

Je me suis, malheureusement, rendu compte, comme toujours, que nombre de nos Eglises protestantes aujourd'hui n'ont plus la connaissance de ces préceptes que vous donnez dans vos enseignements que je juge très utiles pour la réflexion capable de provoquer « la remise en question » de ce qui se fait par rapport à ce qui devait réellement se faire dans, ce domaine cher à, l’Eglise. C’est le souci de tout faire, dans le bon sens, afin de donner vraiment à notre hymnologie son identité, notre identité protestante, que je me rallie à vous ici. Or nos Eglises et leurs formations théologiques, jusqu’à ces jours, préfèrent, malheureusement, ne pas réfléchir assez là-dessus dans leurs différents cercles théologiques. Et cette crise vit avec l’Eglise. Une question mérite d’être posée ?

Comment donc affronter cette crise, aujourd’hui et demain, si les pasteurs- théologiens ou les professeurs de théologie protestante embrigadaient ou négligeaient carrément, encore pour longtemps, à leurs yeux, l’utilité pastorale et la dignité de l’apport historique de l’hymnologie comme connaissance tout aussi exigée à quiconque veut faire la théologie pour l’église de terrain où l’on est toujours appelé à mettre en application les grandes réflexions bibliques, historiques, missiologiques, œcuméniques, systématiques et pastorales de la théologie? C’est là toute la question. Car, nous devons pas oublier que tous ces différents domaines de la théologie ne travaillent qu’en se complétant : si l’ exégèse nous sert à puiser à la source les choses toutes brutes, l’herméneutique nous sert à les nettoyer, en séparant ce qui est précieux de ce qui est vil, pour devenir la parole de Dieu- fruit de la rencontre entre l’Esprit divin et l’esprit humain- , la systématique, à son tour, nous sert à donner la forme au développement de notre argumentation théologique et la pratique demeure le champ d’application théologique de tout ce qui sort du cercle théologique.

Si l’une de ces composantes de la théologie souffre dans le cursus comme c’est le cas avec l’hymnologie qui est si chère à la pratique, il en va d’abord ici, j’ose croire, de la nature de la formation que l’on tient à donner par rapport à elle (l’hymnologie) - nous soutenons qu’elle est la servante de la liturgie de l’Eglise protestante - bien que celle- ci soit aussi plurielle-, ensuite des objectifs pédagogiques que s’assignent nos institutions protestantes de formation théologique et enfin de ses fondements ultimes qui devraient soutenir la complémentarité entre l’hymnologie et la théologie. N’est- ce pas que ne pas agir dans ce sens, comme semble être le cas jusqu'à ces jours, c'est implicitement œuvrer pour la faiblesse hymnologique du protestantisme de nos jours ?

Cher Professeur,

Je suis heureux de savoir que ma passionnante question sur les questions de Méthodes en Hymnologie m’a conduit à une autre ouverture par rapport à ce que je veux réellement faire dans votre école à penser et cela avec la possibilité de le faire même un jour, comme un disciple, à vos pieds. Je suis dans l’attente de votre récent ouvrage, qui me sera envoyé très prochainement, pour mieux pénétrer le fil conducteur de vos idées et voir comment, grâce à son contenu, je pourrai vous connaître, encore mieux, par vos écrits et pourquoi pas y trouver des bonnes et nouvelles orientations pour mon mémoire de DEA et mon projet de Thèse.
Oui, un véritable cursus - tel que vous pouvez me le proposer (sur une durée de trois années) - prendra en considération cette interpénétration dont il est question tout au long de la Bible. Car il est vraiment important de voir comment arriver à bien relier, la théorie et la pratique, le sentiment et l'idée comme vous l’envisager pour moi en vue d'une juste célébration et d'une compréhension des textes mélodiques et poétiques où intervient l'herméneutique, notamment celle qui concerne la mélodie.
Merci de m’enrichir par les informations qui me font sortir, chaque jour qui passe, de ma sous – information en ce domaine qui m’attire et me fait aussi déjà entrer dans le monde de la liturgie et de la musique sacrée qui, comme l’affirmait Josef Ratzinger, ont été sœurs dès l’origine.
Cher professeur,
Mon université, dans l’organisation de sa faculté de théologie, entretient d’excellents rapports avec la Faculté libre de Théologie de Paris ; car il me semble que les deux institutions travaillent ensemble pour faire bénéficier la faculté sœur du Congo- Brazzaville de leurs expertises depuis quelques temps. C’est ce qui fait que j’ai eu l’avantage d’assister à un nombre de conférences -débats que certains Professeurs de Paris avaient accepté de donner dans notre faculté chaque fois que cela était possible après leurs différents séjours à Brazzaville. Vous pouvez vous renseignez sur ce point auprès de Madame Corinne. Je ne sais pas si vous avez déjà fait l’Afrique une fois dans ce sens là comme les autres. Sinon, je prie que votre tour arrive pour l’intérêt et le rebondissement de la question de l’hymnologie dans nos institutions théologiques.
C’est pour dire que cette relation me donne la possibilité de commencer déjà à discuter avec les autorités académiques de mon université sur la possibilité de me voir venir suivre quelques cours auprès de vous, juste après la défense de mon mémoire de DEA qui pourrait avoir lieu d’ici là. Et vu que je n’ai pas eu (vraiment) un spécialiste qui devra me suivre sur place en ce domaine qui manque une réelle compétence jusque là au sein de notre faculté pour le moment. Aussi, je dois aussi avouer que je n’ai suivi, malheureusement, aucun cours par rapport à l’hymnologie dans ce cursus de DEA.
Acceptez, Cher Professeur, que je vous consulte encore de manière soutenue sur un certain nombre de points pendant mes recherches en vue de la rédaction de mon mémoire de DEA qui d’emblée se propose d’examiner la quiddité de ce que peuvent aujourd’hui être l’histoire, les défis (identité et missions) et pourquoi pas réfléchir sur les enjeux du couple Théologie et Hymnologie dans le protestantisme Congolais. C’est la première possibilité. Mener des études sur la quête d’une ligne de démarcation entre la musique sacrée et la musique populaire aujourd’hui dans l’Eglise au Congo peut être aussi d’actualité. C’est la seconde possibilité.
Vous savez, du reste, qu’il y a, évidemment, encore bien de choses à dire sur ces questions, fort complexes dans ce domaine et qu’une formation s'avère toujours très nécessaire pour moi. Je crois vous avoir dit que votre livre récemment publié me servira de lanterne pour orienter la problématique de mes travaux qui demandent de moi, au préalable, un cursus de cours qui, en principe, devrait aussi bien se faire (par la voie de l’Internet) même avant la rédaction de mon mémoire de DEA.
Je ne sais pas si ce serait trop demander, Cher Professeur, de voir quelle devrait être une bibliographie pour une telle recherche. Dans tous les cas, vous avez un mot à me dire.
Je suis heureux de vous avoir comme un des rares formateurs et de savoir que vous me lisez toujours dans la joie avec l’idée d’échanger. Il faut dire que je sens votre engagement très motivé pour ma cause et cela m'enthousiasme grandement. Je tiendrai tout haut l’étendard de notre collaboration fructueuse.

Cher professeur,
Je vous prie, encore, de m’excuser d’avoir été trop long dans ce message qui a certainement pris beaucoup de votre précieux temps pour le lire.
Dans l’attente de voir notre rêve devenir vision dans ce que font les Eglises et leurs institutions théologiques, croyez, cher Professeur, à ma sincère fidélité dans ce voyage du savoir avec vous.

Votre étudiant depuis l’Afrique,
Maurice MONDENGO, JR.,
Etudiant au Programme de DEA
Faculté de Théologie,
Université Protestante au Congo


A Monsieur James Lyon
24 Novembre 2005


Cher Professeur,

Merci mille fois pour votre réponse que je viens de lire avec un retard de deux jours.
J'ai un cœur rempli de joie et comblé de satisfaction pour l'option que vous levez dans le sens de pouvoir donner un cours chez nous, qui du reste serait le meilleur moyen de propager l'enseignement de l'Hymnologie ici dans notre Faculté.
Il est vrai que j'ignore quand cela va commencer mais je crie déjà de joie et prie Dieu que tout cela réussisse, vite, pour ma formation et celle de nos étudiants.

Je m'estime heureux et touché de savoir que, malgré vos multiples occupations, vous trouvez toujours du temps de me lire attentivement et que vous appréciez aussi mes idées dans cet échange.

Je suis surpris agréablement quand vous m'exprimez votre étonnement de ce que j'ai parfaitement saisi votre propos.
Mais j'attendrai encore la fin de votre lecture de ma réflexion et me fixer sur ce que doit être l'orientation de mes travaux.
Merci de penser à me faire parvenir quelques analyses de mélodies.

Je viens de faire part de nos échanges à Monsieur le Recteur de notre Université qui a promis m'inviter prochainement pour en parler en profondeur. Je vous tiendrai au courant en son temps.

Très cordialement,

Votre étudiant depuis l'Afrique,